Ils sont les tout premiers gardiens de la forêt. Les peuples autochtones, connus sous le nom de Pygmées, vivent au milieu des arbres depuis des siècles. Ils seraient aujourd’hui quelques centaines de milliers à habiter la forêt et à dépendre des ressources de la nature. Mais avec l’accélération de la déforestation, leurs droits sont bafoués. Chaque année, le 9 août, l’ONU consacre une Journée internationale à ces peuples autochtones, minoritaires et menacés dans le monde entier.
Considéré comme le deuxième poumon vert de la planète après l’Amazonie, le bassin du Congo abrite 200 millions d’hectares de forêt, répartis à travers six pays. Quelque 60 % de sa superficie se trouvent en République démocratique du Congo. Les 40 % restants sont partagés entre le Congo-Brazzaville, le Gabon, le Cameroun, la République centrafricaine et la Guinée équatoriale.
Historiquement, cette région a connu un faible taux de déforestation. Mais durant les deux dernières décennies, la meilleure accessibilité des forêts a changé la donne. « Les pays du bassin du Congo ont bénéficié d’importants investissements en matière de développement, notamment la construction de routes », explique Marine Gauthier, experte en droits des peuples autochtones et gouvernance forestière. « Ces routes ont permis d’améliorer l’accès aux villages des peuples autochtones, mais elles ont également facilité l’accès à la forêt pour les personnes qui souhaitent y pratiquer l’agriculture, couper des arbres ou mener d’autres activités. »
Criminalité environnementale
On estime que deux millions d’hectares de forêt sont détruits chaque année dans le bassin du Congo. Rien qu’en 2022, la République démocratique du Congo a perdu plus d’un demi-million d’hectares, un chiffre similaire aux années précédentes, selon un rapport de l’ONG Global Forest Watch publié le 27 juin. Le pays a comptabilisé 13 % des pertes mondiales, derrière le Brésil (43 %).
Pour protéger la forêt, les pays d’Afrique centrale ont pris des engagements, mais ils ne sont pas toujours respectés en raison de l’insécurité dans certaines zones et des problèmes de gouvernance politique.
En plus de violer la loi et les accords internationaux, les trafiquants qui exploitent les forêts sans autorisation bafouent grandement les droits des peuples autochtones. Certaines populations autochtones vivent dans une pauvreté extrême à cause des sociétés d’exploitation forestière qui ne respectent pas toujours les contrats sociaux prévoyant la construction d’écoles ou de points d’eau ».
Des peuples « qu’on voue à disparaître »
Absence d’écoles, de points d’eau. Les Pygmées peuvent aussi rencontrer de grandes difficultés pour se nourrir et se soigner. Leur pharmacopée traditionnelle dépend complètement de la forêt », souligne Marine Gauthier. « Couper cette forêt revient à priver les peuples de leur habitat, de leur pharmacie, de leur source de nourriture, de tout ce qui fait leur mode de vie. Ce sont des peuples qu’on voue à disparaître. »
En continuant à exclure de leur propre écosystème les peuples autochtones, le risque, selon les deux expertes, est la perte d’identité. « Beaucoup de ces peuples autochtones ont déjà quitté la forêt », relate Marine Gauthier. « À Kinshasa, on les retrouve dans des bidonvilles. Quand ils quittent leur milieu, il y a forcément une perte d’identité. On parle quand même d’une minorité qui a un mode de vie extrêmement fragile. Aujourd’hui, on ne peut pas se dire qu’ils sont à l’abri de leur extinction culturelle. »