Professeur Namory Keita témoigne: « dans les quartiers, les gens avaient peur de dire qu’ils ont hébergé des blessés »
Le procès des événements du 28 septembre s’est poursuivi ce lundi au tribunal Adhoc de Dixinn. Pour cette journée, c’était le tour du professeur Namory Keita, un des médecins de l’hôpital Donka qui s’est occupé de quelques blessés du massacre.
« Le jour du 28 septembre comme tous les jours d’ailleurs, même si c’était un jour férié, je quitte chez moi tôt, comme j’habite un peu loin, pour arriver aux alentours de 7h. Puisque j’ai entendu à la radio comme tout le monde qu’il devait y avoir une manifestation au stade du 28 septembre. En passant devant le stade, à 7h 20 pratiquement il n’y avait personne à part des commerçants comme tous les jours. Je rentre à l’hôpital, après les contrôles, je suis allé m’installer dans mon bureau, et j’ai commencé à travailler. Et puis longtemps après, j’ai entendu des bruits. Au début je pensais que c’était des bruits passagers. Après j’ai constaté que ces bruits étaient répétitifs, j’ai compris que c’était des tirs. J’ai appelé un de mes assistants, lui demandé s’il a entendu la même chose que moi. Il m’a dit : Oui. J’ai l’impression que ces bruits viennent du stade « . Donc je suis resté dans mon bureau. 1h après, le même assistant revient me dire qu’il y a des blessés graves au stade. Et qu’il y’a aussi des femmes qui ont été violées. J’ai dit ah bon? Il me dit oui. J’ai dit d’accord !… Entre temps, on a décidé de prendre des ambulances et se rendre au stade, voir si on pouvait prendre directement des blessés. Arrivé à l’esplanade, il y’avait pas grand-chose. Mais le stade était fermé. Je suis descendu avec l’infirmière pour demander aux policiers, c’était les policiers casqués, vêtus en bleue, je crois que c’était les antigangs. Je me suis présenté au policier qui était devant moi, en lui disant que nous sommes venus chercher des blessés s’il y’en a. Il m’a dit d’attendre jusqu’à ce qu’il demande de l’autorisation à la hiérarchie. Je lui ai dit qu’il faut qu’on prenne des blessés en charge. Il a pris le téléphone et allé passer un appel, puis revenir vers nous. Il me dit, ne vous en faîte pas, nous n’en avons pas besoin. Nous avons tout ce qu’il faut pour prendre en charge les blessés. Et nous allons vous les envoyer à l’hôpital, si nécessaire. On a dit d’accord, puisse que ce soit votre décision. Nous avons décidé donc d’aller dans les quartiers, parce qu’on nous avait informé à l’hôpital qu’il y avait des blessés qui étaient couchés dans les quartiers. Particulièrement à Dixinn bora, à landreah port, et dans le quartier de Dixinn. Nous sommes ainsi sortis avec les 5 ambulances se suivant pour aller dans les quartiers. A landreah port, nous avons été suivis par une patrouille de bérets rouges, qui nous a arrêté pour nous dire que « qu’est-ce que ce que cela ? De toutes les façons, tous ceux qui ont fait des conneries, nous allons les avoir, et les sanctionnés à la hauteur de leur forfaiture. » Je lui ai dit que moi, j’étais médecin, que je n’avais rien à voir avec quoi que ce soit. J’essaye de faire mon travail. L’anesthésiste qui était avec moi m’a dit, de ne discuter avec personne, il faut qu’on continue. Sur ce fait, ils nous ont laissé aller, sans violence. Dans le quartier, comme il y’avait beaucoup de bérets rouges, les gens avaient peur de dire qu’ils ont hébergés des blessés. Ils nous faisaient signe avec les mains. Nous aussi on les a signalés qu’on allait revenir après. (…) Après le tour dans les quartiers on est arrivé pour prendre des blessés, Il n’y avait pas de blessés graves. Ainsi on les a déposés à l’hôpital pour des soins. Entre temps, il y’a eu des militaires, je ne sais pas d’où ils venaient, qui ont essayé de s’introduire dans l’hôpital. Et ils ont même jeté une Grenade dans la cour en créant de la panique… peu après, la situation s’est calmée. On a commencé à recevoir les femmes qui ont été violées. Voilà ce que je sais de cet événement »
Le procès a été renvoyé pour le mardi 30 janvier.