Dans un rapport publié ce lundi, Human Rights Watch accuse les gardes-frontières saoudiens d’être les responsables de la mort de plusieurs centaines de migrants éthiopiens qui tentaient de franchir la frontière entre le Yémen et l’Arabie saoudite entre mars 2022 et juin 2023. Des exactions commises alors que Riyad met en œuvre depuis cinq ans une vaste politique anti-migrant.
« Des gardes-frontières saoudiens ont tué des centaines, voire des milliers de migrants et de demandeurs d’asile éthiopiens qui tentaient de franchir la frontière entre le Yémen et l’Arabie saoudite entre mars 2022 et juin 2023 », écrit l’ONG, en ouverture d’un nouveau rapport.
Pendant six mois, entre janvier et juin 2023, elle a interrogé par téléphone 42 Éthiopiens qui ont tenté de traverser cette frontière ou des proches de migrants tués, analysé de multiples photos et vidéos postées sur les réseaux sociaux et passé au peigne fin des centaines de kilomètres carrés d’images satellites « Nous avons des preuves que les gardes-frontières saoudiens utilisent des armes explosives et tirent à bout portant sur des migrants, y compris des femmes et des enfants », assure Nadia Hardman, chercheuse sur les migrations à la tête de cette enquête.
Chaque année, des dizaines de milliers d’individus tentent de fuir la Corne de l’Afrique en direction des pays du Golfe. Poussés par les difficultés économiques, les violations des droits humains et les combats qui sévissent dans la région, ils s’élancent sur la « route de l’Est », l’une des plus importantes routes migratoires d’Afrique de l’Est – et l’une des plus mortelles.
Après une traversée de la mer Rouge ou du golfe d’Aden, fatale pour beaucoup, ces migrants se retrouvent au Yémen. Dans ce pays en guerre, lui-même confronté à une crise humanitaire, Human Rights Watch dénonce depuis plusieurs années de nombreux abus envers ces migrants en transit : trafics, détentions abusives, enlèvements, viols, assassinats…
Et depuis plusieurs années, leur situation ne s’améliore pas de l’autre côté de la frontière. Comme les autres États du Golfe, l’Arabie saoudite était traditionnellement une destination privilégiée des migrants, qui représente environ 37 % de la population. Mais en 2017, Riyad a mis en place une vaste politique de « saoudisation », visant à réduire sa dépendance à l’égard des travailleurs migrants, et lancé une vaste campagne d’expulsions. Depuis cinq ans, des dizaines de milliers de migrants ont ainsi été renvoyés, au Yémen ou chez eux, sans argent, sans logement ni suivi médical.