Bah Oury : « La situation au Niger est inacceptable »


Loni-infos : pensez-vous que le Niger mérite ces sanctions de la CEDEAO ?

Bah Oury : ce n’est pas le Niger qui est sanctionné. C’est un groupe de militaire, d’officiers, qui de manière irresponsable, ont décidé de procéder à la rupture de l’ordre constitutionnel. Vu les dangers et les risques que cela pèse pour la sécurité même du Niger et de la sous-région ; du fait que cette zone soit déjà en conflit ouvert avec des mouvements djihadistes qui se propagent du Mali, au Burkina Faso… le risque est trop grand pour laisser les choses en état. En second point, la recrudescence des coups d’Etat en Afrique de l’Ouest avait déjà emmené la Cedeao avant la semaine dernière à dire STOP aux coups d’Etat dans la région. Qu’il soit d’ordre constitutionnel avec les modifications des constitutions ou autres. L’organisation régionale est devant une situation où elle doit nécessairement agir avec fermeté et rigueur pour ne pas être totalement discrédité et perdre sa raison d’être. En 3e point, au sud du Niger, on a un grand pays qui fait plus de 200 millions d’habitants, qui est un poids lourd dans le continent et qui a un nouveau chef de l’Etat, le président Tinubu. Il cumule à la fois la présidence de la conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO et celui du Nigeria. Il veut affirmer son leadership et celui du Nigeria. Enfin, le Niger, de par sa position dans la région, est le pivot des politiques externes de la communauté internationale pour la lutte contre le terrorisme dans cette partie du monde. L’un dans l’autre, en cumulant tout cela, vous vous rendez compte que les autorités militaires qui ont pris l’initiative du coup d’État contre le président Bazoum, nouvellement élu, qui n’a même pas fait deux années au pouvoir , dans une logique de multipartisme et d’alternance démocratique , cela devenait intenable et inacceptable avec tous les risques sécuritaires et politiques que cela occasionne pour l’ensemble du continent africain

Loni-infos : que pensez-vous de l’option militaire envisagée par la CEDEAO ?

Bah Oury : lorsqu’on laisse perdurer la situation au Niger, le risque est beaucoup plus grand de voir ce pays s’effondrer, le djihadisme se propager et on risque d’encourager la déstabilisation généralisée de l’ensemble des pays africains. Lorsque vous gouvernez, il y a des moments où il faut faire le bon choix, et ses choix ne sont pas toujours les plus heureux dans un contexte de monde troublé, avec beaucoup d’enjeux, de conflit potentiel. Il faut choisir le moindre mal pour préserver le présent et le futur.

Loni-infos : pensez-vous que les militaires vont céder à la pression de la communauté internationale?

Bah Oury : je pense que la semaine qui a été donnée est une semaine de négociation, où les autorités à tous les niveaux essayent de faire jouer les arguments diplomatiques, économiques, de raison pour amener à une meilleure compréhension par ces officiers militaires de la nécessité de prendre en compte les intérêts de leur pays, s’ils se reconnaissent comme les patriotes nigériens.

Loni-infos : on a vu les populations sortir soutenir les militaires avec les drapeaux russes. Est que vous n’êtes pas inquiet qu’une partie de la population soutienne les militaires comme cela est arrivé dans d’autres pays ouest africains ?

Bah Oury : vous savez les manœuvres d’instrumentalisation d’une population, surtout d’une jeunesse qui ne prend pas en compte les vrais enjeux, c’est très habituel. Et ce schéma a été déjà vu ailleurs, donc ça manque de naturel, de spontanéité. C’est beaucoup plus téléguidé que ça ne répond à une réaction naturelle et générale.

Interview réalisée par Ciré Diallo

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